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Égalité en vitrine, inégalité en coulisses : le paradoxe ivoirien

  • Photo du rédacteur: La Plume Acerbe
    La Plume Acerbe
  • 12 févr.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 28 févr.

Chronique Express


 

Championne africaine de l’égalité des genres.

Voilà le titre que l’OCDE a décidé de décerner à la Côte d’Ivoire. Un trophée pour récompenser un ensemble de lois progressives censées garantir aux femmes une place enfin équitable dans la société. Une distinction qui ferait presque sourire, si elle n’était pas un affront aux réalités vécues par les millions de femmes ivoiriennes.

Car ici, l’égalité n’est qu’une illusion soigneusement entretenue pour séduire l’opinion internationale, pendant que l’injustice, elle, prospère dans l’indifférence.

63 %.

C’est le pourcentage de filles ivoiriennes qui ne savent ni lire ni écrire.

Une statistique brute, qui glace et révolte. Mais qui, étrangement, ne semble émouvoir personne dans les sphères dirigeantes. On préfère s’extasier sur des lois "modèles," mises en place plus pour remplir les rapports annuels que pour transformer des vies. Pendant ce temps, dans les villages et les quartiers populaires, les filles sont abandonnées à leur sort, piégées dans une spirale d’ignorance et de pauvreté.

Peut-on réellement parler d’égalité quand l’accès même à l’éducation – le socle de toute émancipation – est un luxe réservé à une minorité ?


Mais l’éducation n’est que la partie visible de l’iceberg.


Les femmes ivoiriennes, qui assurent 75 % de la production alimentaire, continuent de vivre sous le seuil de pauvreté. Ironie suprême : elles nourrissent le pays tout entier mais peinent à nourrir leurs propres familles.

La raison ?

Elles n’ont aucun droit sur la terre qu’elles cultivent.

Aucun pouvoir sur les ressources qu’elles produisent. Dans cette économie agricole où elles jouent un rôle central, elles ne sont pourtant que des fantômes, invisibles aux yeux d’un système qui exploite leur labeur tout en les maintenant dans l’ombre.


Kenza Djibo Amany a eu le courage de pointer du doigt ce paradoxe lors d’une intervention récente.

Mais ses mots, aussi puissants soient-ils, risquent fort de s’éteindre face à la surdité des décideurs et à l’apathie générale.

Car ici, dénoncer c’est parler dans le vide.

Les institutions applaudissent des discours bien ficelés, les élites se gavent d’autosatisfaction, pendant que la femme ivoirienne, elle, continue de crouler sous un poids que personne ne veut alléger. Pire encore, elle est souvent blâmée pour les maux d’une société qui refuse de la regarder en face.


Les violences basées sur le genre en sont un exemple criant.

Bien que les lois ivoiriennes prétendent les combattre, leur application est une autre histoire. Les féminicides restent invisibles, dissimulés derrière le voile épais de la honte et du silence. Les femmes victimes sont sommées de se taire, accusées d’avoir provoqué leurs bourreaux, tandis que les coupables, eux, circulent librement. L’État ferme les yeux, les communautés détournent le regard.

Après tout, pourquoi se soucier d’un problème qui ne dérange que celles qu’on a déjà réduites au silence ?


Et pourtant, on persiste à vanter des progrès. On érige des trophées. On célèbre des chiffres et des classements qui ne reflètent en rien la réalité.

Ce titre de "championne africaine" n’est pas seulement un mensonge : c’est une insulte. Une insulte aux femmes qui se battent pour survivre dans un pays qui ne leur offre rien. Une insulte à celles qui, malgré tout, continuent de porter sur leurs épaules une société qui refuse de les reconnaître.

La vérité, c’est que l’égalité en Côte d’Ivoire n’est qu’un slogan.

Une façade destinée à plaire à l’extérieur, mais derrière laquelle se cache une indifférence profonde et systémique.

Tant que les femmes resteront les oubliées de ce système, aucune loi, aucune réforme, aucune reconnaissance internationale ne pourra changer quoi que ce soit.

Et tant que nous continuerons à nous contenter de cette illusion, nous ne mériterons rien d’autre que le mépris de celles qui luttent, seules, pour une justice qui leur est due depuis trop longtemps.

1 Comment


RSY
Feb 14

Mic drop! Rien à rajouter!

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