Quand l’électricité ramasse nos ordures (ou pas)
- La Plume Acerbe
- 5 févr.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 févr.
Chronique Express
Ce matin-là, Jules, habitant paisible de Cocody, s’installe pour déguster son café.
Mais son moment de tranquillité s’évapore dès qu’il ouvre sa facture d’électricité.
Le montant ? On ne va pas en parler, c’est un coup à ruiner votre journée.
Mais cette fois, une ligne lui saute aux yeux : "Taxe rémunératoire pour l’enlèvement des ordures ménagères : 4500 FCFA".
Jules reste figé.
Il connaît bien la situation dans son quartier : pas une seule benne à ordures publique à l’horizon.
Non, ici, c’est le privé qui fait le boulot, pour 3000 FCFA par mois, un tarif presque raisonnable.
Alors pourquoi, par tous les mystères de l’administration ivoirienne, paye-t-il 4500 FCFA à la CIE pour un service qui n’existe même pas ?
Allez, vous aussi, vous vous êtes sûrement posé la question un jour, non ?
Eh bien, accrochez-vous, car l’explication vaut son pesant de déchets mal ramassés.
Cette fameuse taxe, voyez-vous, est calculée selon deux critères géniaux : votre localisation géographique et votre consommation électrique.
Oui, vous avez bien lu.
Il semblerait qu’en Côte d’Ivoire, vos ordures soient directement influencées par votre frigo et votre climatisation. Plus vous consommez, plus vos ordures sont… quoi ? Brillantes ? Électrifiées ?
Et votre localisation ? On suppose que les déchets de Cocody doivent dégager un petit air bourgeois qui justifie un tarif plus élevé que ceux de Yopougon.
La réalité est pourtant bien plus simple (et triste) : cette taxe, collectée chaque mois par la CIE, est reversée à un obscur fonds public, le Fonds de Financement des Programmes de Salubrité Urbaine (FFPSU).
Le but affiché ? La salubrité urbaine.
L’objectif réel ? Mystère.
Parce que sur le terrain, ce que Jules voit, c’est une réalité bien différente : si vous voulez que vos poubelles disparaissent, il faut les payer une deuxième fois. C’est le privé qui sauve la mise, pendant que l’État encaisse les 4500 FCFA avec un sourire désolé et des explications bancales.
Alors, réfléchissons une seconde.
Pourquoi ne pas tout simplement inclure la gestion des déchets dans un service transparent et unique ?
Ah, mais non, ce serait trop simple.
La complexité, c’est la marque de fabrique. On ajoute une taxe ici, une redevance là, et voilà : une facture d’électricité qui ressemble à un inventaire de tout ce que l’État ne fait pas correctement.
Comment justifier une taxe plus élevée que le coût réel d’un service privé ?
À ce niveau-là, ce n’est plus de l’incompétence, c’est de l’art.
Un chef-d'œuvre de l’absurde administratif, où le contribuable est à la fois spectateur et victime.
Un art qui ne s’expose pas dans les musées, mais sur vos factures, chaque mois, comme un rappel cruel que dans ce pays, payer pour rien est une discipline nationale.
Alors, que retenir de l’histoire de Jules ?
Que l’on vous ponctionne sans explication, sans résultat, et qu’en retour, on vous offre… une ligne froide et impersonnelle sur votre facture.
Pas de service public
Pas d’amélioration
Pas même un effort pour sauver les apparences.
Juste un message implicite qui vous dit : "Taisez-vous et payez."
Mais Jules, lui, ne se taira pas.
Certes, il paiera — il n’a pas vraiment le choix — mais il continuera de poser des questions.
Parce que derrière chaque ligne de cette facture se cache une absurdité qu’on voudrait normaliser.
Derrière chaque chiffre imposé, il y a une insulte à l’intelligence collective.
Et derrière chaque "Taxe rémunératoire", il y a des rues encore jonchées de déchets
.
Alors la prochaine fois que vous recevez votre facture, faites comme Jules : regardez-la attentivement.
Chaque ligne raconte une histoire. Pas seulement celle de vos voisins ou de vos quartiers, mais celle d’un système qui ne cesse de prendre sans jamais rien rendre.
Et peut-être qu’un jour, ce système comprendra que les poubelles, comme la patience des citoyens, ont une limite.
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