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Blanchiment de capitaux : Quand le spectacle dépasse la lutte

  • Photo du rédacteur: La Plume Acerbe
    La Plume Acerbe
  • 29 janv.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 28 févr.

Chronique Express


 

L’annonce est tombée avec fracas : le président Alassane Ouattara déclare une « lutte implacable » contre le blanchiment de capitaux et la corruption.

Sur le papier, c’est beau. Une promesse forte, des mots qui claquent.

Mais si les mots suffisaient, la Côte d’Ivoire serait déjà un exemple mondial de transparence.

Or, la réalité, elle, n’a rien d’une déclaration bien ficelée : le blanchiment et la corruption ne sont pas des accidents, ce sont des piliers du système. Les dénoncer, c’est une chose ; s’y attaquer pour de vrai, c’en est une autre.


Le blanchiment de capitaux n’existe pas en vase clos.

Il prospère dans un écosystème où l’opacité est reine, où les arrangements entre amis remplacent la transparence, et où les marchés publics sont plus souvent des outils d’enrichissement personnel que des leviers de développement. Surfacturer une route, gonfler le prix d’une école, créer une entreprise écran pour rafler des contrats : ce sont là les rouages d’un mécanisme bien huilé.

Et à chaque détour, ce sont des milliards qui échappent au bien commun pour finir dans des comptes offshore, des paradis fiscaux, des valises ou enterrés dans des jardins.


Mais soyons honnêtes : qui profite réellement de ce système ?

Pas les vendeurs de rue, pas les PME qui luttent pour survivre face à des taxes étouffantes. Non, ce sont ceux qui ont les moyens de manipuler les règles, ceux qui naviguent dans les hautes sphères et pour qui « loi » rime avec « option ». Les petits poissons, eux, n’ont pas cette chance. Eux, on les traque, on les soupçonne. Mais les gros requins, eux, continuent de nager tranquillement.


Des annonces qui brillent… pour les bonnes audiences


L’objectif de ces grandes déclarations n’est pas de changer le système, mais de plaire à un public bien particulier.

La Banque mondiale, le FMI, les agences de notation : voilà les vrais destinataires de ce discours. Ces institutions, qui exigent des réformes pour maintenir leurs financements, veulent voir un engagement. Et quoi de mieux qu’une promesse solennelle de « lutte implacable » pour répondre à leurs attentes ?

Mais derrière les mots, où sont les actes ?


Prenons un exemple simple : combien d’affaires de corruption de haut niveau ont réellement abouti à des condamnations ?

Les scandales sont nombreux, mais les conclusions ? Presque inexistantes.

Les audits des finances publiques ? Ils dorment dans des tiroirs.

Et les rares figures épinglées sont souvent des fusibles, sacrifiés pour maintenir l’illusion que « quelque chose » est fait.

La vraie justice, celle qui s’attaque aux racines du mal, reste un mirage.


L’impact réel : une économie asphyxiée


Le blanchiment et la corruption ne sont pas seulement des mots dans un discours, ce sont des réalités qui étouffent le pays.

Ils minent la confiance des investisseurs, forcent les entrepreneurs à payer des pots-de-vin pour survivre, et détournent des ressources qui pourraient transformer les services publics. Chaque école non construite, chaque hôpital abandonné, chaque route jamais terminée est une preuve tangible de l’impact de ce système.


Et pourtant, le fardeau retombe sur les épaules des citoyens ordinaires.

Ceux qui paient leurs impôts, ceux qui n’ont pas d’autre choix que de composer avec un système injuste. Pendant que les élites se protègent, ce sont les plus vulnérables qui subissent les conséquences.


La lutte contre le blanchiment, telle qu’elle est présentée aujourd’hui, n’est pas une révolution. C’est un spectacle. Un drame politique où tout est joué d’avance. Les discours frappants, les promesses d’actions fortes, les quelques condamnations symboliques : tout cela fait partie d’une mise en scène destinée à maintenir un équilibre fragile.


Mais la réalité, elle, ne change pas.


Pour que cette lutte devienne réelle, il faudrait une volonté politique capable de dépasser les intérêts personnels. Une justice indépendante, des audits publics réguliers, une protection des lanceurs d’alerte : voilà ce qu’il faudrait pour attaquer le problème à sa source.

Mais ces mesures impliqueraient de remettre en cause des privilèges profondément ancrés. Et soyons francs : qui est prêt à scier la branche sur laquelle il est assis ?


En attendant, nous, les citoyens, sommes les spectateurs involontaires de ce théâtre bien rodé.

Un théâtre où les vrais coupables ne montent jamais sur scène, mais où nous payons toujours le prix de leur impunité.

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